Pauline Déroulède
Pauline Déroulède

Paroles de boulonnais

La Boulonnaise Pauline Déroulède vise les Jeux paralympiques 2024

Après un grave accident où elle a perdu sa jambe gauche en 2018, la Boulonnaise Pauline Déroulède mène une nouvelle vie de lutte pour la prévention routière et prépare les jeux paralympiques de 2024.

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En octobre 2018, Pauline Déroulède, 27 ans, travaille comme assistante réalisatrice. La semaine, elle est chargée de castings pour la société de production Studio 89, dont les émissions de divertissement cartonnent à la télévision : «  The Voice  », «  Mariés au premier regard  », «  Auditions secrètes  »… Le week-end, elle est professeure de tennis auprès de jeunes enfants. Et elle vit heureuse avec Typhaine, sa compagne, à Boulogne-Billancourt, une ville qu’elle adore.
Le samedi 17 octobre 2018, sur son scooter garé le long du trottoir de la rue de la Convention à Paris, elle attend Typhaine, partie acheter des fleurs, quand une voiture la percute dans le dos. À 80 km/h. Le conducteur, âgé de 92 ans, a confondu l’accélérateur et le frein. Pauline est projetée à plusieurs dizaines de mètres. «   J’ai tout de suite vu ma jambe arrachée, dit-elle avec un regard, d’habitude bleu azur, qui devient sombre à l’évocation de ce souvenir. J’ai d’abord cru à un attentat, car je me trouvais sur le trottoir, en sécurité. Le choc a été d’une violence inouïe!   » Il y a deux autres victimes: un père de famille de 33 ans, resté six mois dans le coma, et une jeune femme, de 25 ans, très gravement blessée aux jambes. Certainement grâce à son casque, Pauline a eu la vie sauve, et elle est restée consciente en permanence pendant et après l’accident. «   J’ai en mémoire tous les détails sonores et visuels. J’ai été emmenée à l’hôpital Percy, continue-t-elle. C’était comme une blessure de guerre. J’espérais toutefois que l’on sauve ma jambe. Mais non.  » Juste après son opération, amputée de la jambe gauche, elle déclare vouloir devenir championne paralympique. Un objectif qui la motive pour surmonter les huit mois d’hospitalisation, 12 anesthésies, et une longue rééducation.

Un espoir de médaille en 2024

Bien entourée par ses proches, elle veut relever son défi. «   Petite, je pratiquais le basket-ball, la natation, l’athlétisme. Puis, à 8 ans, j’ai commencé le tennis. J’ai toujours eu un caractère dynamique.   » À l’aide d’une prothèse, elle réapprend la marche 4 mois après l’accident, puis retourne au Gavroche, une salle de sport située rue des Peupliers, où elle pratique le crossfit.

En mai 2019, elle participe au programme de détection intitulé «  La Relève  » permettant aux fédérations sportives de repérer de futurs talents. «   La fédération de tennism’a convaincue d’essayer le tennis en fauteuil, voyant en moi une candidate pour lesJeux de Paris en 2024.  » Elle rencontre alors Stéphane Houdet, double-champion paralympique de la discipline à Pékin et à Rio, qui la conforte dans ce choix et devient en quelque sorte son parrain.

Perfectionniste et exigeante avec elle-même, Pauline pratique désormais le tennis-fauteuil 15 heures par semaine avec le comité des Yvelines qui a mis à disposition tout le matériel. «   J’ai été tellement heureuse de taper la balle à nouveau, raconte-elle. Il faut accepter de ne pas pouvoir rattraper toutes les balles. Je viens de gagner mon premier tournoi national en Alsace. L’objectif aujourd’hui est de monter au classement. Ce sera ma vie pour les quatre années à venir.   » Prochaines échéances : les tournois de Casablanca et de Barcelone. Afin de récolter des fonds pour financer sa préparation, la joueuse a fondé une association «  Pauline objectif 2024  ». Elle cherche des entreprises pour l’accompagner dans son projet.

Son autre combat : la loi pour tester l'aptitude à la conduite

Pauline a repris ses habitudes et le cours de sa vie à Boulogne-Billancourt, où elle réside depuis 5 ans. «   J’ai toujours voulu vivre ici, dit cette ancienne parisienne,retrouvant le sourire à l’évocation de Boulogne-Billancourt. J’ai vraiment eu un coup de cœur, notamment pour le nord de la ville, le marché, les restaurants, la proximité avec le stade deRoland-Garros, mon tournoi préféré. Mais j’aime aussi sortir dans le nouveau quartier, au Doddy’s, cours de l’île Seguin ou à O2 Scènes àLa Seine Musicale.   » La jeune femme s’adapte à sa nouvelle vie. Celle-ci tourne aussi autour d’un nouveau sujet dont elle s’est emparée à bras le corps : un projet de loi sur l’obligation de passer un test d’aptitude à la conduite pour tous les conducteurs. «   Mon père a été le premier à lancer une pétition, précise-t-elle. J’ai pris le relais et j’ai eu l’opportunité de défendre ce projet sur les plateaux de télévision et auprès du ministre de l’Intérieur. Tous les pays le font, sauf la France et l’Allemagne.   ».

Son idée est de rendre obligatoire le test dans les auto-écoles pour tous les détenteurs du permis de conduire, d’abord tous les 10 ans, puis tous les 5 ans à partir de l’âge de 70 ans et tous les deux ans au-delà des 80 ans. Régulièrement, elle participe aux réunions d’un groupe de réflexion à l’Assemblée nationale sur les modalités pratiques du test à mettre en place. Elle travaille également avec la délégation interministérielle à la sécurité routière pour renforcer les campagnes de prévention. Confiante, la Boulonnaise reçoit pour cela de nombreux messages de soutien. «   C’est le combat de ma vie. Je serai en paix quand le projet de loi sera passé Il faut que je me serve de ma colère et que, quelque part, mon accident porte finalement un sens et une utilité pour tous.   »

Jean-Sébastien Favard